jeudi 3 septembre 2015

Tour du Cervin - Jour 1

Jour 0 : arrivée en Suisse

Nous nous rendons en Suisse par Grenoble, Chamonix, ... Temps morose, le Mont Blanc tente en vain de se cacher timidement derrière quelques nuages tout aussi blancs que lui.

En descendant vers Martigny, je suis sidérée par la pente des terrains plantés de vignes. La mécanisation de l'exploitation ne doit pas être simple, ce que me confirmera une rapide recherche internet au retour : hormis quelques petits véhicules équipés de chenillettes, la quasi totalité du boulot semble se faire à pied.

Photo du Net

Arrêt déjeuner à Martigny. C'est la première fois que je viens en Suisse, je suis surprise, et d'abord un peu mal à l'aise, de l'ambiance très "encadrée". Mais les jours passants je m'y habituerai, allant même jusqu'à apprécier la "sérénité" que je devine dans le mode de vie des personnes avec qui j'en discute.

Une fois le déjeuner avalé, nous nous promenons un peu dans la ville et nous renseignons à l'Office de Tourisme sur la météo des prochains jours qui conditionnera les premières étapes de notre parcours : point de départ, sens de rotation (ben oui, un Tour, ça peut se faire dans plusieurs sens...). 

Nous avons à priori quelques jours de grand beau temps devant nous, mais ça risque de se dégrader beaucoup à partir de samedi, ce qui nous laisse une fenêtre de 3 ou 4 jours. Rapide discussion, Nous avions envisagé de démarrer de Zinal en rejoignant Arolla tranquillement, en 2 jours ou en utilisant téléphérique et bus. Cela nous aurait permis de réveiller nos vieilles carcasses avant d'attaquer le vif du sujet. Mais ce serait dommage d'arriver au glacier du Théodule avec le mauvais temps... Nous partirons tout de suite sur les étapes auxquelles nous tenons le plus. Direction le Val d'Hérens et, précisément, Arolla

A Arolla, nous commençons par nous poser au "plus haut camping d'Europe". Je n'ai pas vérifié cette affirmation. Mais le camping en terrasses au bord du torrent est agréable, le ciel se dégage doucement et la vue est belle, l'accueil et les tarifs sont sympathiques, les sanitaires impeccables, les voisins du genre tranquilles. Cela me suffit largement !


Direction, ensuite, le centre du village, si l'on peut appeler cela comme ça : une épicerie, une boutique de sport, un ou deux hôtels restaurants, des gens qui discutent sur la place, ... Le petit village de montagne comme je les aime. Le magasin de sport est aussi le bureau des guides, et l'accueil y est sympathique pour ne pas dire chaleureux.
Nous y achetons une carte du Tour plus pour le souvenir que par nécessité, collectons des informations sur les conditions que nous trouverons sur les glaciers, et louons des crampons. Bonne nouvelle, le tarif de location est lié non pas à la date à laquelle nous les ramènerons, mais au nombre de jours où nous les utiliserons réellement dans ce laps de temps. En l’occurrence la différence est non négligeable et j'apprécie. 



Jour 1 : Arolla --> Prarayer par le haut glacier d'Arolla et le col Collon

Env 15km, D+ 1370m, D- 1200m
Trace reconstituée 

Réveil matinal. J'étais encore au boulot il y a 4 jours, et cela fait des mois que je n'ai pas eu de "vraies" vacances. La fatigue est présente, mais la motivation et l'envie la font taire.

Opération "check list" en profitant du confort du camping, la dernière touche est donnée au matériel, tout ce qui pourrait attirer l'oeil dans la voiture est planqué dans le coffre, les gourdes sont remplies, ... On laisse la voiture au parking (gratuit en été) à l'extrémité du village au lieu dit les Magines, et on met un premier pas devant l'autre. Ça y est, c'est parti !

Le sentier se dirige vers le Bas Glacier d'Arolla. Les premiers km sont sans grand intérêt, hormis la vue sur les sommets, et s'élèvent tout doucement en longeant le torrent tout en s'éloignant d'Arolla vers le Sud.


Nous ne sommes pas pressés : il faut dérouiller la machine et nous sommes partis tôt. Nous étions seuls au début mais d'autres marcheurs nous rattrapent puis nous distancent lentement. On tourne à l'Est. La pente s'élève et l'on gagne enfin de l'altitude.


Vue sur le Bas Glacier d'Arolla, et le Mont Collon sur la gauche.


Nous passons enfin au soleil. Y'a bon sa douce chaleur ! 

La plupart des autres marcheurs tournent vers la Cabane de Bertol, nous continuons vers le Haut Glacier d'Arolla. Un petit passage équipé de cordes (à vrai dire surement plus utiles en hiver qu'en été), et nous arrivons en vue du glacier... Ou plus exactement de sa vallée et de la moraine, car j'ai rarement vu des lieux où le recul des glaciers soit aussi flagrant. Mais il faut dire que nous ne sommes qu'à 2600 m. Ceci étant, si j'en crois diverses photos la langue descendait quasiment jusqu'à ce coude dans les années 1970.


Nous suivons de loin quelques randonneurs qui nous ont doublés plus tôt. Et, en nous rapprochant du glacier, commençons à croiser pas mal de personnes qui redescendent, dont des chercheurs de l'Université de Lausanne venus justement mesurer le recul du glacier et l'impact sur les couches sédimentaires. Ils sont équipés de matériel de géomètre et nous discutons quelques minutes du poids de ce matériel, qui dépasse les 20kg à lui seul si l'on cumule les divers éléments. Ils ont bivouaqué quelques jours sur place et, heureusement, avaient été déposés en hélicoptère. Mais la redescente se fait à pieds... Bon courage à eux !

La partie centrale de la langue glacière est couverte de débris rocheux en partie basse, une belle moraine médiane, et nous en profitons pour remonter doucement tout en admirant la Punta Kurz et le Mont Brûlé devant nous.

Pause repas à l'étrange ambiance...


Bifurcation vers le col Collon à l'Ouest, nous quittons la roche pour la glace, en laissant le refuge des bouquetins sur notre gauche. Slalom sans danger entre les crevasses, la glace est à nue, couverte de débris, les crampons ne sont pas utiles.

Franchissement d'un nouvel amas de débris rocheux pour rejoindre la vallée suspendue qui mène au col. La pente est raide, les muscles protestent faute d'acclimatation : il y a 2 jours nous étions chez nous, au niveau de la mer, et nous voici à 2900m... Inutile de dire que la différence se fait sentir. Mais je me connais, je sais que cela ira vite mieux en montant un peu plus (je serais d'ailleurs curieuse que quelqu'un m'explique ce mécanisme constaté à diverses reprises).

Dernier regard vers la langue que nous venons de quitter,


Direction le Col. Le temps de faire la photo précédente, des traileurs qui descendaient du col arrivent jusqu'à nous. Comme souvent dans ces cas là, l'accent des salutations est révélateur... Anglais, ils nous expliquent avoir fait quelques belles glissades à proximité du col mais avoir marché sans difficulté ensuite. La décision est prise de ne pas chausser les crampons : la glace est à nue, littéralement détrempée et couverte de gravier comme plus bas, l'eau ruisselle carrément, la pente est faible, sans crevasse, ... Les sacs de protection des crampons sont momentanément fixés à l'extérieur du sac, facilement accessible, il sera toujours temps de changer d'avis si nécessaire. 


Ce que nous ferons d'ailleurs un peu plus haut, après avoir décidé d'aller "jouer" dans les pentes plus importantes, à proximité du col, histoire que je travaille l'utilisation du piolet en cas de chute (et y'a du boulot !). 


Passage en versant Sud par le Col Collon, nous faisons une pause quelques centaines de mètres plus loin, près du lac, au pied de la Vierge.



Premier passage à 3000m de cet été, envie de fêter ça d'un café. On sort les réchauds. Gag, je n'arrive pas à allumer le briquet. Vide ? Non, il est neuf, et visiblement plein... Je pense que c'est justement au contraire la pression du gaz qui est trop importante et souffle la flamme, comme avec un briquet réglable réglé "trop fort". Mais si l'étincelle suffit pour le réchaud à gaz, je suis par contre incapable d'allumer mon réchaud à alcool... Heureusement que je l'ai déjà utilisé devant lui, sinon mon idée de prouver à JL que l'alcool est très bien aurait tourné court, or c'est l'unique raison pour laquelle je l'ai emporté... 

Café avalé, nous attaquons la descente. Plus nous descendons, plus il y a de monde et, en particulier, des groupes d'italiens venus passer la journée dans la vallée. Nous négligeons le refuge Nacamuli avec ses allures de nid d'Aigle, franchissons quelques rares névés égarés sur ce versant Sud, et perdons rapidement de l'altitude.


Les promeneurs sont de plus en plus nombreux et, dans certains passages, c'est la foule, pour ne pas dire la bousculade, et en particulier dans un passage particulièrement pentu et équipé des marches métalliques et des cordes bleues typiques. Je réalise d'ailleurs dans ce passage que, du fait des reflets sur l'association des 2 verres, les sur-lunettes me trompent dans l'évaluation des distances. Tout parait plus simple une fois ôtées !

Nous laissons les promeneurs prendre de la distance, d'autant que la fatigue de la journée commence à se faire sentir et que, avec le recul, je pense ne pas avoir suffisamment mangé.

La suite de la descente est belle, et longe le torrent d'Oren alimenté de nombreuses cascades mais nous ne songeons ni l'un ni l'autre à prendre des photos... Certainement un effet de la lassitude, nous sommes passés en mode "recherche de lieu où bivouaquer"... Pour les souvenirs et pour le plaisir, je vous montre quand même quelques photos trouvées sur le net :

Photo du Net

Photo du Net

La carte indique un camping à Prarayer (en réalité on y trouve un refuge luxueux et de multiples possibilités de bivouac, mais pas de camping). Envie de tranquillité... Nous préférons nous arrêter avant, environ 2 km et 200 m plus haut près d'une bergerie (la Garda) et à proximité d'un ruisseau dont l'eau est délicieuse.

Quelques marmottes protestent de notre présence puis finissent pas s'y faire et vont voir plus loin si nous y sommes... Montage de la tente, dîner au bord du ruisseau, puis la soirée passe doucement en observant les étoiles qui s'allument l'une après l'autre. Il est l'heure de dormir...


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